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La longue exposition (ou « pose longue »)

Tout d’abord veuillez pardonner l’amateurisme de ce tutoriel, je ne suis pas un professionnel et c’est la première fois que je me livre à cet exercice.

 

Qu’est-ce que la pose longue ?

 

Il s’agit d’étirer le mouvement afin de lui donner un rendu crémeux, que ce soit pour un filet d’eau ou de nuages. Les rivières, bords de mer, cascades, se prêtent très bien à cet exercice.

La pose longue nécessite d’utiliser des vitesses d’obturation très basses, ce qui oblige l’emploi de matériel spécifique.

Il y a peu, je me suis rendu à Sillans-la-Cascade (région PACA) afin de tester la pose longue et en ai ramené quelques clichés que j’inclus à ce tutoriel, ceci pour mettre en parallèle la théorie et la pratique. C’est facile de dire « il vous faut tel et tel matériel et ensuite il faut faire ça comme ça » mais si on ne comprend pas pourquoi… ça ne sert à rien ! Alors place au déballage.

Faut-il rappeler qu’un sac est toujours utile quand on part en vadrouille ? C’est bien pratique !

Pour le reste, voici ce que j’ai utilisé lors de cette sortie :

 

Bien entendu pour faire de la pose longue il ne faut pas absolument un ultra grand-angle ni un D5500, il n’est ici question que du matériel utilisé. Toutefois, puisque la pose longue concerne généralement des paysages, il peut être judicieux d’utiliser un grand angle au minimum (le 18-55 du kit convient très bien à 18mm)

Pourquoi utiliser le reste ?

  • Le trépied est le matériel indispensable pour la pose longue puisqu’elle vous obligera à descendre sous les 1/15s. Sans trépied, toutes vos photos seront floues. De plus, tenir le boitier pendant 4 secondes est largement faisable (même si ça ne donnera rien de net) mais vous risquez de perdre patience si vous descendez à plus de 30 secondes, voir à plusieurs minutes.
  • La télécommande n’est pas nécessaire si vous ne dépassez pas les 30 secondes de pose. Au-delà, vous passerez en mode « Bulb » et la télécommande trouvera donc ici toute son utilité. Jusqu’à 30 secondes de pose et sans télécommande, utilisez le retardateur programmé à 10 secondes afin d’éviter tout mouvement lors du déclanchement.

Rappel : jusqu’à 30 secondes la télécommande est un plus appréciable, au-delà de 30 secondes elle devient obligatoire.

  • Le filtre ND est un filtre à densité neutre qui réduit plus ou moins la quantité de lumière qui entre dans l’objectif. Ils existent avec plusieurs niveaux de « blocage » : ND8, 16, 200, 400, 1000… Selon le moment où vous prenez vos photos, un ND 400 sera suffisant : en début ou fin de journée quand la luminosité n’est pas très forte par exemple.

En revanche le ND1000 est nécessaire en pleine journée. Il peut y avoir des exceptions, par exemple si vous photographiez une cascade ou une rivière elle se trouve généralement en forêt (enfin disons dans un lieu boisé) et il est possible que la luminosité assez basse n’impose pas le recours au filtre ND.

Nous verrons plus loin comment utiliser un filtre, et qu’il est possible d’en fixer plusieurs sur l’objectif.

  • L’objectif ultra grand-angle (UGA).

J’utilise un boitier APS-C et suis donc contraint de prendre en compte le facteur de conversion au format 24×36. Chez Nikon il est de 1.5, le Tokina 11-20 « cadre » donc comme un 16,5-30mm. Nous sommes bien là dans le domaine de l’UGA, même en plein format.

J’en profite au passage pour remercier Sylvain de ses conseils à propos du Tokina. C’est un excellent objectif au piqué incroyable (à f11 il est juste parfait). Très peu d’aberrations chromatiques, quasi pas de vignettage et distorsion facilement corrigeable dans tout logiciel de PT qui se respecte. J’hésitais avec le Sigma 8-16mm sauf que ce dernier n’accepte pas de filtres à cause de sa lentille frontale bombée. Dans ces cas-là, sans filtres, exit la pose longue…

Ben parce que c’est mon boitier… tout simplement !

On peut utiliser n’importe quel reflex pour la pose longue, là j’enfonce des portes ouvertes, mais il peut être intéressant de préciser qu’un compact aussi en est capable puisqu’il peut descendre à 4 secondes de pose (et jusqu’à 8s il me semble pour certains modèles.) Avec un compact vous ne pourrez pas aller au-delà de ces 4 ou 8 secondes, mais à 4 secondes on est déjà en longue exposition, c’est donc suffisant.

Après le matériel et un brin de blabla, place à l’action !

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11mm / f11 / 27s / iso 100

Concrètement, que faut-il faire pour réaliser une photo comme celle-ci-dessus ?

 

Déjà, il faut s’installer confortablement et pas accroupi/assis tant bien que mal sur des rochers pointus et trempés. Mais là, il n’y avait que des rochers pointus et trempés. Alors, bon… on fait avec les moyens du bord…

Voici plus sérieusement la démarche pas à pas :

  • Installez votre boitier sur le trépied.
  • Vous photographiez en format RAW, inutile donc de se préoccuper de la balance des blancs qui reste en automatique.
  • Faites votre composition/cadrage selon vos souhaits.
  • Mettez-vous en mode Manuel. Les modes priorité vitesse, ouverture et automatique ne permettront pas de faire une pose longue.
  • Désactivez les iso automatiques et mettez-les au minimum possible (200, 100 ou 50 sur certains boitiers.)
  • Effectuez la mise au point en automatique ou en manuel sur l’infini ou en utilisant l’hyperfocale.
  • Veillez à ce que la MAP reste ensuite en mode manuel.
  • Puisqu’il s’agit d’une photo de paysage, on souhaite – ou pas – obtenir une grande profondeur de champ. Pour cela, fermez autant que possible. Enfin, dans les limites qualitatives de l’objectif (ici, le Tokina offre son meilleur rendu à f11, ce qui est amplement suffisant pour la profondeur de champ que je souhaitais.)
  • Faites la mesure de lumière (matricielle, pondérée centrale, spot)
  • Faites une photo test pour vérifier que la mesure de lumière est bonne.
  • Le fait de fermer le diaphragme impose naturellement de baisser la vitesse d’obturation, mais parfois ce n’est pas encore suffisant.
  • Dans le cas de la photo ci-dessus, pour obtenir une exposition correcte, j’étais à 1/40s. Trop rapide pour obtenir l’effet désiré.
  • Retenez la vitesse proposée par le boitier.
  • Vissez votre filtre en prenant soin de ne pas toucher à la mise au point.
  • Installez le pare-soleil si vous en disposez.
  • Le filtre ND1000 fait gagner 10 stops. Vous multipliez la vitesse initiale par 1000 (ici : 1/40 = 0,025 x 1000 = 25.)
  • Là vous avez le choix : descendre à 25 secondes ou passer en mode « Bulb » et utiliser la télécommande.
  • Branchez donc votre télécommande si vous avez fait ce choix.
  • Si votre boitier le permet, activez le verrouillage du miroir (appelé aussi relevage du miroir ou miroir levé.) Ainsi, lorsque le miroir se relève lors de la prise de vue, le déclanchement ne se fait qu’après un court laps de temps. On l’entend très bien grâce à deux « clacs. » Cela évite tout risque de flou dû au mouvement du miroir.
  • Rappel : ce genre de manipulation n’est pas possible en mode Automatique. Vérifiez que vous êtes bien en Manuel.
  • Basculez en mode « Bulb » (dans le cas où vous utilisez la télécommande)
  • Votre compo est bonne, vos réglages sont faits, tout est prêt, ne reste plus qu’à shooter.
  • Ayez à portée de main un téléphone disposant d’un chronomètre ou une montre (ou un cadran solaire, bien que ce soit quand-même vachement moins précis.)
  • Appuyez simultanément sur le bouton de la télécommande et sur le chronomètre.
  • Patientez.
  • Il fait beau, profitez du paysage. C’est aussi ça la photo.
  • Appuyez sur le bouton de la télécommande pour terminer votre photo. Dans mon cas c’était à 27 secondes.
  • Vous avez normalement une photo correctement exposée.
  • N’hésitez pas à procéder à quelques ajustements au niveau de la durée afin d’obtenir la photo qui vous convient et qui est correctement exposée.

 

Autre exemple :

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11mm / f11 / 361s / iso 100

 

Ici, malgré une lumière assez vive sur la petite chute de gauche, le boitier indiquait 1/3s. C’est une vitesse assez lente pour une longue exposition mais pas assez pour obtenir le rendu désiré, c’est-à-dire que l’eau adopte cet aspect crémeux pas uniquement sur la surface mais aussi lorsqu’elle coule sur les roches.

  • En utilisant le « coefficient multiplicateur » du filtre (1/3 x 1000) on tombe à 333 secondes.
  • Cela revient ensuite en minutes : 333 / 60 = 5,55 minutes
  • Pour les secondes : 0,55 x 60 = 33 secondes
  • Le total est donc de 5 minutes et 33 secondes.

Dans l’exemple ci-dessus je suis resté appuyé pendant 361 secondes (soit 6 minutes et 1 seconde) car je craignais que les zones sombres soient bouchées et ce fut un peu le cas. Rien de grave, le post-traitement permet de corriger ça.

 

Pour résumer

 

  • Installez votre appareil sur le trépied sans filtre ni pare-soleil
  • Faites votre compo et vos réglages (ouverture, iso, vitesse et mesure de lumière) sans oublier la MAP qui devra être ensuite verrouillée en manuel
  • Prenez une photo test
  • Modifiez ce qui doit l’être…
  • Installez le filtre et le pare-soleil
  • Passez en mode « Bulb » si le temps de pose est supérieur à 30 secondes
  • Chronométrez selon le temps donné grâce au calcul vu ci-dessus
  • C’est bon, victoire !

 

Comment connaître le coefficient multiplicateur du filtre ?

 

La règle est très simple. Avec un ND400 vous multipliez le temps de pose par 400, avec un ND500 par 500, ND1000 par 1000, etc.

Quelques exemples :

Vitesse initiale

Vitesse avec filtre

ND32 ND200 ND400 ND500 ND1000
1/4000s 1/125s 1/20s 1/10s 1/8s 1/4s
1/1000s 1/30s 1/5s 1/3s 1/2s 1s
1/500s 1/15s 1/2s 1s 1s 2s
1/30s 1s 6s 12s 16s 32s
1/15s 2s 13s 26s 32s 60s
1/8s 4s 25s 50s 60s 2m
1/4s 8s 50s 1m40 2m 4m
1/2s 16s 1m40s 3m20 4m 8m
1,3s 42s 4m20s 8m40 10m50s 21m40s
2s 60s 6m40 13m20 16m 32m
4s 2m 13m20 26m40 32m 1h

 

Voilà.

That’s all, folks !

Genre indéterminé, apparu sur terre à Aix-en-Provence il y a 27 ans, depuis j’improvise.

Anciennement rédacteur technique, désormais libre comme l’air, j’occupe mon temps à la photo (astro / poses longues) et principalement à l’écriture.

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