Dans cette vidéo…
Sylvain vous propose une réflexion et une contre-argumentation concernant cinq idées reçues en photo de paysage. Comme souvent en photographie tout dépend du point de vue, de l’intention et des affinités du photographe.
Idée reçue n°1: Un trépied est indispensable
Est-ce qu’un trépied est utile ? Bien entendu! Pouvoir placer son appareil sur un support stable est le plus souvent bénéfique pour la prise de vue. Dans certaines circonstances comme pour une pose longue par exemple il est pratiquement impossible de s’en passer, là n’est pas la question. C’est sans aucun doute le premier accessoire dans lequel un photographe de paysage investira.
En revanche, ce n’est pas parce que vous ne disposez pas d’un trépied que vous n’arriverez pas à capturer de superbes scènes. Le plus souvent vous utilisez une focale large qui a l’avantage d’offrir facilement une très grande profondeur de champs. Il n’est pas toujours nécessaire de fermer énormément le diaphragme ce qui vous permet de garder un temps de pose relativement court pour assurer une prise de vue nette sans flou de bouger.
La prise de vue à main levée peut aussi avoir de nombreux avantages en termes de mobilité, vous pourrez parfois exploiter des angles inaccessibles au trépied simplement par manque de place. Il m’est déjà arrivé aussi de vouloir poser mon trépied dans un sol trop meuble et que celui-ci s’enfonce par son propre poids là où moi j’étais bien stable.
N’oubliez pas non plus que bon nombre d’objectifs disposent, aujourd’hui, d’un système de stabilisation performant qui vous permet de prendre des clichés nets à des vitesses d’obturation relativement lentes. Une solution alternative est de réaliser une rafale de quelques vues. Statistiquement, la probabilité d’avoir un cliché net même à vitesse lente augmente avec le nombre de vues prises dans la rafale… Alors profitez-en!
IDÉE REÇUE N°2: UN PAYSAGE C’EST TOUJOURS AU GRAND ANGLE
Bien que très souvent l’utilisation d’un grand angle convienne à la photographie de paysage, rien ne vous y oblige et dans certains cas, l’utilisation d’une longue focale sera bien plus logique. Tout dépend de nouveau de votre intention photographique et de votre sujet.
Le choix de la focale a un impact direct sur le cadre de la prise de vue. Si vous souhaitez réaliser un plan large d’un paysage pour mettre en évidence son étendue, ses lignes générales, ses lumières etc, alors le choix du grand angle est judicieux. Par contre, si vous voulez vous focaliser sur un élément (un château, une montagne, …), sur un motif ou une répétition de formes, l’utilisation focale longue s’impose. Vous pouvez ainsi concentrer la vue sur le point principal, le situer dans son contexte.
Gardez en tête qu’une focale large accentue les effets de distances alors qu’une focale longue les compresse et tend à ramener les objets dans des plans visuels plus proches.
Idée reçue n°3: Un paysage se prend uniquement au format paysage
Le format, ou plutôt l’orientation « paysage », comme son nom l’indique, est le plus fréquemment utilisé dans la photo de paysage mais rien de vous empêche de passer en « portrait ». Tout dépend de ce que vous voulez montrer et du sens de lecture que vous souhaitez donner à votre image.
Le format « paysage » s’étend horizontalement ce qui implique une lecture de gauche à droite ou de droite à gauche de la photo. Notez que le sens de lecture dépend fortement de notre culture. Du côté occidental, nous avons l’habitude d’écrire et lire de gauche à droite, une photo composée en respectant cette logique nous paraîtra plus équilibrée que l’inverse. Par contre dans d’autres cultures, comme c’est le cas souvent en Orient, où l’écriture et la lecture se font à sens inverse, l’impact de cette même photo ne serait pas le même.
Le format « portrait » quant à lui implique une lecture verticale de l’image. Si vous voulez que le spectateur parcourt l’image du premier plan jusqu’à l’arrière-plan, comme si il levait progressivement les yeux, alors c’est le format à privilégier.
Il ne faut pas oublier non plus le format carré qui, lui, n’impose aucun de sens de lecture particulier puisque les dimensions horizontales et verticales sont identiques. Il est aussi très utilisé pour les compositions graphiques, voire même géométriques.
Idée reçue n°4: On a tout son temps… Il faut prendre son temps
Si vous avez déjà essayé de capturer une scène en voulant placer le soleil à un endroit particulier, ou si vous avez déjà attendu qu’un nuage soit juste au bon endroit avant de déclencher, vous savez déjà qu’il faut parfois avoir de bons réflexes pour réaliser le bon cliché. Il en va de même pour les photos à l’heure bleue ou à l’heure dorée… ces périodes ne durant qu’une dizaine de minutes, vous n’avez souvent pas vraiment le temps de chicaner.
Au final, nous n’avons que le temps que nous nous allouons. Si vous préparez une prise de vue spécifique, sur un site que vous avez déjà repéré et que vous arrivez sur place bien avant l’heure fatidique, alors là oui, vous avez le temps de vous préparer, de poser votre matériel et tout préparer pour attendre le moment idéal le doigt sur le déclencheur.
Par contre, si vous vous baladez, que vous rencontrez un point de vue exceptionnel avec la lumière parfaite, le temps de sortir votre matos et de tout préparer, il y a de fortes chances que les conditions ne soient plus réunies une fois que vous êtes enfin prêt.
Donc prendre son temps, pour composer, régler, poser ses filtres etc, même si dans l’absolu ce serait idéal, dans les faits, ce n’est pas toujours réaliste… Au final si votre photo est réussie, quelle différence cela peut-il faire que vous ayez passé deux heures ou deux minutes pour vous préparer ?
Idée reçue n°5: La photo doit être parfaite à la prise de vue
Idée reçue ? Divergence de point de vue ? … Ou tempête dans un verre d’eau ?
La vérité tient surement d’un délicat mélange de ces trois principes. Nous avons tous nos propres sensibilités, nos propres opinions, ce qui veut dire que la vérité de l’un n’est pas forcément celle de l’autre. Appliquez cela à la photographie et vous comprendrez pourquoi les défenseurs de la photo non retouchée et les adeptes du post-traitement peuvent parfois rentrer dans des débats stériles (je prédis d’ailleurs un déluge de commentaires dans le fil de la vidéo 😉 ).
La photographie est un Art (ce postulat en lui-même peut être sujet à débat…), ce qui signifie que votre mission est d’arriver à faire passer un message, une émotion à l’aide des techniques photographiques, développement et post-traitement compris. Toutefois, libre à vous d’utiliser les outils mis à votre disposition dans la mesure de ce qui vous plait. C’est votre travail après tout!
On peut également se demander ce qu’est une photo parfaite… Et c’est surement là que le débat dérape. Remplacez « parfaite » par « la plus aboutie possible » et la discussion prendra fin très rapidement. Ce qu’il faut comprendre par là c’est que le travail effectué à la prise de vue vous épargnera un temps considérable en post-traitement. Pour le reste c’est votre intention qui est maître, pas le moyen utilisé.
En photographie numérique, ce que votre appareil enregistre, ce ne sont que des quantités de lumière captées et ce pour chaque canal de couleur (rouge, vert et bleu). Le reste est histoire de post-traitement. Si vous shootez en JPEG, vous avez en théorie choisi un profil de rendu d’image (portrait, paysage, neutre, couleurs fidèles, monochrome …) qui n’est rien d’autre qu’un preset (contraste saturation, netteté, …) de développement que votre appareil appliquera aux données pour en générer une image.
Shooter en RAW revient à mettre le post-traitement en mode manuel (j’adore cette expression Steve !), ni plus ni moins. L’image que votre logiciel affichera à l’aide du RAW sans aucun réglage de votre part est déjà post-traitée, mais avec des paramètres de base définis soit par le logiciel, soit par l’appareil.
Et à ceux qui ricaneraient en se disant qu’ils font de la photographie argentique et que là au moins on ne triche pas, je leur dirais que le simple choix de la pellicule équivaut à post-traiter sa photo. Chaque marque, chaque type de film a son rendu spécifique, en terme de couleurs, de grain, … Et là je ne parle même pas du choix du papier pour le tirage, du temps d’exposition de celui-ci ou encore de la possibilité d’effectuer des corrections d’exposition au tirage en occultant une partie du papier etc.
En guise conclusion…
En photographie, comme dans n’importe quel domaine artistique, il y a des techniques à maîtriser, des principes à connaître et des règles de base qui peuvent servir de fil conducteur. Mais ce qui fera la différence entre un simple cliché et une oeuvre d’art, c’est ce que vous aurez réussi à transmettre au spectateur, peu importe le matériel utilisé ou les réglages que vous avez choisi.
Steve De Jongh
Administrateur, Rédacteur et Contributeur
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Bel exposé et très instructif. Cordiaement