La voie lactée peut s’offrir facilement à n’importe quel photographe moyennant un simple mais sérieux travail de préparation. Voici quelques outils, méthodes et conseils pour débuter en mettant toutes les chances de son côté !
Je précise tout d’abord que ce mini « guide » n’a pour seule vocation que d’introduire une démarche simple et efficace pour ceux qui comme moi il y a quelques semaines comptent se frotter à l’exercice pour la première fois, ou cherchent à améliorer leurs résultats. Il est à mettre en relation avec celui de Thierry (lien dans l’article), qui vous expliquera quant à lui une méthode de traitement elle aussi relativement simple dont les résultats sont plus que probants.
Des milliers, que dis-je, des millions de tutos divers et variés peuplent déjà la toile, et iront toujours plus loin que notre démarche. Mais il est toujours plus agréable d’avoir devant soi une liste véritablement pratique de choses à faire ou ne pas faire, qui suit chronologiquement votre « mission voie lactée ».
Commençons par le commencement :
Le travail préparatoire : 50% de la réussite.
Le bon spot et la pollution lumineuse :
Google Earth est sans nul doute l’outil indispensable pour toute préparation de sortie paysage en général. Nous allons l’utiliser ici de deux manières. Un filtre ou plug-in à installer dans le logiciel lui-même est à télécharger ici : http://www.avex-asso.org/dossiers/pl/europe/c/c/sodium.kml
Une fois dans le logiciel, la mission consiste à trouver un spot le plus noir possible bien sûr, mais si les déplacements trop lointains ne vous sont pas possibles, n’hésitez pas à trouver un compromis. La voie lactée se montrera tout de même, la pollution sera présente mais n’empêche aucunement d’obtenir un beau résultat. On pourrait même dire qu’elle ajoute parfois un effet esthétiquement agréable.
La Lune
Pour le dire simplement, la lune est un élément à éviter. Vérifiez donc systématiquement le calendrier lunaire avant votre sortie ! Bien que la nouvelle lune soit une situation idéale, n’hésitez pas à sortir si un quartier est présent, il ne devra simplement pas se situer au mauvais endroit dans le ciel nocturne au moment de votre prise de vue. Vous pourrez prévoir les choses plus précisément grâce à quelques outils que nous allons détailler juste après.
La météo
Autre point du travail purement préparatoire « à la maison », la météo. Encore une évidence, mais ne jouez pas avec les nuages. Là encore les apps et autres sites qui décrivent la couverture nuageuse sont légion, je vous donnerai donc seulement celle que j’utilise le plus souvent quelques heures avant de partir : Sat24, qui vous montre une petite animation satellite assez précise (vous pouvez zoomer un peu) du ciel qui vous attends. Quelques nuages éparses ne sont pas un problème, et peuvent apporter parfois un contenu intéressant à votre image finale, mais prenez garde ; le traitement de votre pano (si c’est un pano et pas un cliché unique en très grand angle) pourrait se révéler largement plus compliqué !
L’orientation
L’orientation de la prise de vue est un point primordial. Selon le moment de l’année, la VL ne se pointera pas dans la même direction, c’est évident à dire mais essentiel à anticiper parfaitement pour votre future composition. Des logiciels et applications très utiles sont à signaler :
Stellarium http://www.stellarium.org/fr/ est un petit programme pour Pc et Mac qui vous donnera l’emplacement exact de la VL selon une heure et un lieu programmé par vos soins. En faisant défiler le temps, on s’aperçoit par exemple en ce moment (mi-août) qu’une fourchette possible se situe entre 23h et 2h du matin, passant au Sud-Ouest dans ce laps de temps. Nous savons désormais à quelle heure et dans quelle direction shooter. Second avantage : la position de la Lune ! Cruciale, elle est ici clairement indiquée et vous évite de consulter un calendrier externe.
Star Walk 2 est une app (iphone ou android) qui quant à elle vous indiquera sur place la position de la VL en temps réel, utilisant la boussole de votre appareil. Bien que dans l’idéal, vous devriez la voir à l’oeil nu si votre spot n’est pas trop mauvais !
La recherche
Maintenant que nous avons direction + horaires à notre disposition, l’exploration ne fait que commencer. Toujours sur GoogleEarth, le but du jeu va être de trouver un lieu dont l’orientation corresponde avec nos requis, afin d’obtenir une composition adéquate. Shooter la voie lactée seule est possible bien sûr, mais soigner le paysage ou le premier plan qui l’accompagne est ce qui fera passer votre cliché d’un simple exercice technique à une véritable photo.
Vous pouvez choisir un lieu de la façon habituelle, sans penser de prime abord à votre orientation, puis trouver l’angle de vue qui le placera dans la bonne direction. Par exemple, un bâtiment isolé, un champ de fleurs, une route, ou n’importe quel sujet solitaire. Une autre méthode consiste à repérer sur la carte toute vallée, formation rocheuse, ou paysage dont l’orientation naturelle corresponde à votre créneau Sud-Ouest, et de chercher ensuite un emplacement pour votre trépied se trouvant dans le même alignement et qui le domine assez en hauteur. Soignez vraiment cette partie là comme si c’était le paysage lui-même que vous vouliez prendre, avec les mêmes contraintes de direction. Oubliez la VL pendant ce temps, gardez seulement l’orientation en tête. Pour l’exemple, j’ai envie d’intégrer ce lac à ma composition.
Je positionne la carte pour me trouver dans l’axe de la VL à l’heure choisie, ici 23h approximativement. Une zone (en bleu) paraît parfaitement alignée, voilà un bon spot où planter son trépied.
Reste à vérifier l’élévation du terrain, les obstacles possibles. Le streetview n’est pas disponible sur ces petites routes, mais des photos sont consultables dans cette même zone réduite, jetons-y un coup d’oeil :
L’élévation est bonne, et même si l’orientation de la photo n’est peut-être pas exactement celle que je cherche, je vois sur la carte que j’aurai une bonne latitude pour me déplacer et m’aligner parfaitement à l’heure voulue.
Sur place : Timing, Focale, Ouverture, Composition et autres joyeusetés.
Quand partir ?
Peu importe votre spot, l’idéal est de vous y rendre avant la nuit, histoire de ne pas préparer votre composition à l’aveugle ! Trouvez obligatoirement votre positionnement final en surveillant votre boussole, calculez votre cadrage idéal, et l’endroit EXACT où vous désirez voir apparaître la VL sur le résultat final. Votre travail préparatoire devrait vous permettre de ne pas perdre trop de temps à vous installer, et de connaître presque « de tête » le cliché que vous voulez obtenir. Une fois posé, et bien shootez ! Même si la nuit n’est pas encore tombée, on ne perd jamais une occasion de saisir son sujet avec une bonne lumière, pas seulement par principe, mais également pour avoir sous la main une version lumineuse et non bruitée de votre premier plan, qui pourrait servir ensuite en cas de problèmes d’exposition/bruit/cadrage sur votre version de nuit. On ne sait jamais, elle pourrait servir de roue de secours et sauver votre cliché final avec quelques retouches bien senties.
Temps d’exposition
Puisque vous avez encore du temps à tuer, préparez votre temps d’exposition. Vous avez votre composition et savez donc déjà quelle sera votre focale. Sortez votre calculette. L’opération est simple ; pour obtenir votre temps d’expo maximal sans filé, divisez 500 par votre focale pour un full frame, et 350 pour un apsc. Otez quelques secondes par « sécurité », j’ai pu observer un léger filé en jouant trop avec la limite, et vous conseille donc de ne pas le faire !
Alerte Focus
Un point très important : faites votre mise au point à ce moment là, soyez très précis (je la fait en liveview magnification maximale) et bloquez-la définitivement. Faites quelques tests bien entendu, comme vous le feriez pour n’importe quel paysage classique. Si votre composition inclut un sujet très rapproché, tentez l’hyperfocale et revérifiez que tout est net. Au pire il sera toujours possible d’effectuer un focus stacking par la suite.
Alerte stabilité
D’ici la tombée de la nuit, laissez votre trépied et votre appareil en position si vous en avez la possibilité, ou au pire laissez quelques marques repérables ensuite sous votre lampe de poche (trois beaux cailloux, un bâton, à votre guise). Perdre votre composition est très risqué à ce stade, n’oubliez pas que lorsque le temps sera venu de shooter la VL, vos yeux ne seront plus d’aucune utilité pour la refaire.
A l’heure fatidique
Ça y est ! Vous êtes dans le noir total, la fourchette horaire de votre travail préparatoire s’approche, et vous voyez déjà la VL à l’oeil nu s’approchant lentement (très lentement si vous avez froid !). Il est temps de passer rapidement en revue votre préparation, et de tester vos réglages :
- Votre Map est faite, rien à
faire de ce côté là.
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Votre composition est elle aussi déjà faite, et la focale est donc fixée.
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Votre temps d’exposition est calculé, vous pouvez déjà entrer en mode Manuel et le régler. Il ne bougera plus.
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Votre ouverture ne doit respecter qu’une chose : ne pas dépasser f4. L’idéal n’est pas forcément d’ouvrir au maximum même si votre objectif le permet. La plupart fournissent des résultats inférieurs à pleine ouverture en terme de piqué et autres déformations optiques, il n’est donc pas inutile de sacrifier un peu de luminosité pour la bonne cause en fermant très légèrement.
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Les Iso ne sont pas un problème, alors montez ! 6400 serait un minimum incompressible, mais doubler la dose est tout à fait envisageable ! Oubliez d’ailleurs ce que vous pensez savoir à leur propos dans cette situation. Avec la bonne technique de traitement et de prise de vue, le bruit qu’ils génèrent s’effacera comme par magie de votre cliché
final. -
Derniers détails : désactivez obligatoirement votre stabilisation (si votre objo en est équipé). Activez l’option « temporisation miroir levé » ou toute autre formule selon la marque de votre appareil. Munissez vous d’un déclencheur à distance, ou si vous n’en possédez pas, passez en mode retardateur (au moins 5sec).
La méthode d’empilement et la retouche
Empilez, empilez, et empilez encore
Arrivé à cette étape, vous pouvez déjà vous dire que vous êtes dans le vrai. Même si votre premier essai contient plus de bruit que l’exemple précédent, ce n’est pas un problème. D’ailleurs, s’il vous semble beaucoup plus sombre, augmentez encore vos iso !
Mais tout n’est pas terminé. Nous voici rendus à la méthode d’empilement qui vous fera oublier le bruit pour de bon.
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Que vous ayez à faire un pano ou un simple cliché à l’ultra grand angle, établissez vous une règle et n’en déviez pas. Il vous faut shooter plusieurs fois à chaque scène, au moins 5, et pourquoi pas 10 pour ceux qui possèdent un boitier moins performant.
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Cela permettra par la suite un empilement médian sous Photoshop que l’ami Thierry Kieffer vous expliquera très bien sur cette vidéo https://www.youtube.com/watch?v=wzU6m0dfU00, et que vous pouvez retrouver en version texte sur une multitude de sites, comme par exemple celui-ci :http://www.bastienfoucher.com/Tutoriels/Traitement-des-images-de-la-Vo
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La voie lactée, durant le laps de temps où vous accumulerez les clichés identiques, va évidemment bouger. Ne tentez pas de la suivre, sauf si bien sûr elle sort de votre cadre (mais c’est que votre cadrage était limite!). En cas de pano, utilisez la même technique, et là non plus n’essayez pas de suivre la VL. Quadrillez l’espace de votre composition en vous donnant de bonnes marges entre chaque élément du pano (au moins 40 à 50% de zones similaires d’une photo à l’autre), et faites des séries de 5, que vous traiterez indépendamment les unes des autres, avant de les assembler.
Dans les deux cas, prenez votre temps, vérifiez chaque cliché (ou chaque premier cliché de chaque élément pour un pano) attentivement et n’hésitez pas à recommencer une série si le moindre problème est révélé.
La pré-retouche
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Avant de passer à l’empilement de vos clichés sur Photoshop, ne retouchez que très peu ou pas du tout vos clichés bruts sur Lightroom. Un petit coup de contraste pour aider à l’alignement futur des calques, à la limite, mais surtout rien d’autre. Synchronisez les paramètres de toutes vos photos à empiler dès que vous effectuez le moindre changement, même très léger comme ici.
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Vérifiez en zoomant à fond la qualité de vos étoiles. N’ayez pas peur du bruit à ce niveau de zoom, tout est normal, regardez juste que rien n’a bougé, que rien ne paraît flou. Éliminez sans hésitation toute photo qui aurait le moindre défaut de ce genre.
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A partir de là, suivez les différents Tutos, et votre mission voie lactée ne pourra être qu’un franc succès !
Bonne chance, et surtout bonne exploration, là se situe tout le sel de l’exercice !
Voici un pense-bête récapitulatif que vous pouvez emmener avec vous pour votre première sortie, ou en cas de besoin. Salutations, photographes.
Liste rapide (à imprimer !)
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Stellarium pour anticiper l’orientation, l’heure, la présence ou non de la lune.
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GoogleEarth pour trouver son spot, en prenant en compte la contrainte précédente de l’orientation, et la pollution lumineuse avec le filtre sodium.
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Vérifiez les conditions météo, couverture nuageuse, évolution, VENT.
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Arrivez AVANT la nuit
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Trouvez votre spot, préparez votre matériel.
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Préparez votre compo exacte, faites des essais. Soyez aussi exigeants qu’en plein jour !
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Faites votre Map définitive avec grand soin. Hyperfocale si besoin. Bloquez le tout.
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Désactivez la stabilisation, activez tempo miroir relevé.
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Calculez votre temps de pose (500 ou 350 divisé par votre focale actuelle)
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Ôtez-y quelques secondes.
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Ne bougez plus et attendez la nuit !
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Dès que les conditions sont assez sombres, faites des tests !
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Commencez à 6400iso, testez plus haut sans cramer la photo.
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Patientez jusqu’à ce que la voie lactée soit positionnée en fonction de votre compo.
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Au moment fatidique, effectuez 10 clichés (ou moins) identiques, sans suivre la VL.
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Vérifiez sur votre écran que tout s’est bien passé.
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Recommencez.
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Recommencez.
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Allez une dernière série pour être sûr !
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Occupez vous du premier plan avec la même méthode.
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Le temps de pose peut désormais monter, les iso baisser, plus de problème. Faites ressortir votre composition !
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Éclairez les environs immédiats ou votre sujet s’ils sont assez proches.
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Arrêtez tout, rangez votre matériel, et contemplez tranquillement le spectacle.
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Rentrez, et passez au travail réellement fastidieux mais ô combien gratifiant de retouche, jusqu’à totale satisfaction !
Salut Sébastien, felicitations pour cet article trés complet sur la prise de vue de la VL. Tout est clair et bien expliqué, il n’y a plus qu’à suivre ton topo pour se garantir une belle image. Le premier plan est un point à ne pas négliger, c’est là que se fera la difference pour le « woaow ». Pour l’empilement et le traitement tu as cité Thierry et Bastien (un trés bon copain avec qui j’ai passé pas mal de soirées à imager ensemble), et c’est encore les explications les plus simples et sages à utiliser. Une petite précision pour ceux qui seront à l’aise avec ces techniques, ne pas trop monter en iso, la plage dynamique s’en ressent et sauf pour certains boitiers (Sony A7s entre autres). Ce point sera utile quand on voudra faire monter les couleurs. Aussi, pour ceux qui seraient en milieu pollué, exposer l’histogramme plus vers la droite, il sera plus facile de gagner des details depuis les fortes lumières que depuis les ombres. Bref, bravo pour ces explications ! Amitiés, Pat.
Merci Pat, tu as raison sur les iso, et c’est vrai que les performances des boîtiers diffèrent énormément sur ce point. Disons que la montée en iso peut encourager une exposition à droite, ou déculpabiliser ceux qui auraient tendance à avoir peur du bruit généré alors que l’empilement résout tout 🙂
Svp si vous pouvez donnez moi un logiciel pour réaliser l’empilement
Ah bah oui, très bonne remarque sur les couleurs…
Je n’y avais même pas pensé, mais c’est très logique. Ceci expliquer probablement aussi pourquoi ces couleurs deviennent vite funky durant la retouche !!