En photo, on a tous des rêves. Faire la une de national geographic, devenir le nouveau Doisneau ou Cartier-Bresson, ou plus modestement, être reconnus par ses pairs, faire une exposition, réussir à prendre cette photo macro avant que cette maudite araignée ne se carapate. Mais pour d’autres, le rêve serait un jour de pouvoir se payer un mythique Leica, et puisqu’on en est à rêver, pourquoi pas un Hasselblad? Moi, un de mes rêves en photo, bien que débutant, c’était de pouvoir me payer un jour un plein format, et de l’accompagner d’une série L. Et vous, quel est votre rêve?

Si d’aventure un de vos rêves est comme le mien, de pouvoir vous acheter un plein format et l’équiper d’une série L mais que vous hésitez entre continuer avec votre réflexe actuel ou mettre une hypothèque sur votre maison, vendre un rein et votre enfant sur Leboncoin, peut être que cet article est fait pour vous. Car si la photo est un sport de riche, l’une des drogues les plus coûteuses qui existent, on peut s’en sortir pas trop mal avec un peu de patience et de chance.

Dans cet article je vais vous parler un peu de moi, de ce qui m’a poussé à passer au plein format, de ma pratique de la photo et de mon état d’esprit. Car je suis étudiant, et je n’ai pas les moyens de me payer un appareil à 3.000€ le boîtier nu et rajouter une optique à 2.000€ et j’ai encore moins de maison à hypothéquer ou de gamin à revendre. Dans cet article je vais vous parler du monde de l’occasion, donc si pour vous achat rime avec produit sous blister, si photo rime avec matériel à la pointe de la technologie, passez votre chemin, vous ne trouverez pas votre Graal ici (mais restez lire, ça vaut le coup, promis !)

 

Exemple de photo faite avec un « antique » Canon 5D classic (mark I)

 

Avant de rentrer pleinement dans les détails, une petite mise au point (jeu de mot pourri #1) est de rigueur. Le plein format, c’est quoi? Sans refaire un cours complet sur les différentes tailles de capteurs, sachez qu’il existe disons 5 grandes familles de capteurs : les capteurs de 1″ et moins que l’on retrouve dans les compacts (qu’ils soient experts ou non pour la quasi totalité d’entre eux) et les smartphones. Ensuite on trouve les micro 4/3 (qui alimentent principalement les mirrorless de chez Olympus et Panasonic), puis le format APS-C (présent dans la majorité des réflexes et donc certainement le votre). Ça c’était pour les « petits » capteurs. Car quand on passe à la taille au dessus on retrouve les pleins formats (dont je vais vous parler) et les moyens formats qui eux sont juste… inaccessibles en terme de prix pour un particulier comme vous et moi.

Cet article sera découpé en trois parties, la première sur moi, afin de vous parler de ma vision de la photo, de mon « style », de mon approche et de ma progression depuis mes débuts. La deuxième partie, plus ancrée dans la technique, détaillera l’utilisation que l’on peut avoir d’un plein format, des raisons qui peuvent nous pousser à sauter le pas ou au contraire nous freiner dans l’achat, les avantages, les inconvénients. La troisième partie enfin, sera elle consacrée au monde du marché de l’occasion, pour vous parler des pièges à éviter, des réflexes à avoir (jeu de mot pourri #2) et de la mentalité à adopter pour trouver son bonheur. Je tiens à rappeler que je suis débutant, amateur, et que je ne détiens pas la vérité absolue, mes propos seront donc potentiellement à relativiser et à adapter à votre situation. Ça vous dit d’en savoir plus? Alors c’est parti !

 

Pourquoi le plein format me fait rêver?

 

Comme je vous l’ai dit en introduction, cette partie sera assez personnelle et je vais vous parler un peu de moi, des raisons qui m’ont poussées à me mettre à la photo, de mon passage d’appareil APS-C au plein format, et du travail que j’ai opéré sur moi pour savoir si je devais effectivement passer au plein format (en dehors du fait que j’avais aussi envie de me faire plaisir).

En effet, j’ai débuté la photographie il y a de cela 3 ans déjà, mais je me suis vraiment investi dedans depuis environs 1 an seulement. Aujourd’hui, je pense pouvoir dire que j’ai eu deux influences externes qui m’ont poussées à m’y mettre : d’une part, j’ai toujours aimé créer, dessiner, peindre, gribouiller, écrire, j’ai toujours été attiré par l’art plastique en général ; et d’autres parts mon père fait également de la photo, en tant qu’amateur certes, mais j’ai du coup baigné dans un processus créatif depuis tout petit. Et ça déjà ce n’est pas anodin.

 

1) Découvrir son style

 

Avant de passer au plein format, j’ai du me questionner sur moi même, sur mon rapport à la photographie, sur mon style de photo, sur le temps que j’investis dedans. Comme beaucoup de monde, je suis entré dans le monde de la photo avec un petit réflexe APS-C, un Pentax k30 équipé de son objectif kit. 16Mpx au compteur, tropicalisé, un viseur pentaprisme 100% et une ergonomie experte (double molette entre autre). Et assez rapidement j’ai cherché sur internet comment m’en servir, j’ai cherché à apprendre le plus de choses possibles dessus. Car à la différence peut être de beaucoup de gens, si j’ai choisi d’utiliser un appareil photo, ce n’est pas pour prendre des photos souvenirs, ou des photos de famille. Non pas que je critique les gens qui ont cette utilité de la photo, bien au contraire je pense que la photo est nécessaire à ces rapports sociaux. Mais pour moi, la photo a été dès le début un moyen de m’exprimer, un moyen de mettre des formes, des couleurs, des images sur mes pensées créatrices. J’ai dès le départ utilisé la photo comme médium artistique, en complément du dessin.

Puis un jour pour accompagner mon Pentax, j’achète un 70-300 de chez Tamron pour une centaine d’euros, surement l’un des objectifs toutes marques et tout boitiers confondus le plus acheté en tant que premier (ou deuxième) objectif et je m’amuse avec. Du portrait, mon chat, du paysage (avec le 18-55 de base), un peu de macro, encore mon chat, des fleurs, de la photo de rue, toujours mon chat. Bref, je teste de tout et je découvre peu à peu les photos qui me plaisent, celles que j’aime réaliser, celles sur lesquelles je réfléchis, et où un processus créatif se met en place : les portraits et le paysage urbain (pas complètement architecture, ni vraiment street photography)

 

Photo d’une transhumance dans les Pyrénées (fait au 40mm avec l’objectif de kit)

C’était décidé, je me lançais dans le portrait et le paysage urbain. Se pose donc la question de l’évolution du matériel, le 18-55 me permettant de faire du paysage urbain et la plupart de mes portraits (j’aime le plein pied et le plan italien, ce que me permettait difficilement le 70-300). Il est cependant limité dans son ouverture et sa qualité optique. Et malgré tout l’amour que je porte à Pentax pour le rapport qualité/prix de son matériel, le parc optique est un peu trop restreint (sans parler des grandes enseignes qui ne vendent presque plus rien pour Pentax, les bougres). Le choix se posait alors de savoir si je continuais la route avec Pentax (en sachant déjà que j’aimerai passer sur plein format un jour, Pentax n’en proposant alors qu’un depuis très récemment et avec une nouvelle monture), ou si je changeais de marque pour une où les optiques que j’achèterai pourraient me servir plus tard sur plein format (donc Canon ou Nikon). La question était sérieuse car si Pentax n’a que peu d’optiques à son compte (tout est relatif comparé à la myriade de cailloux que proposent Canon ou Nikon), elles sont pour la plupart vraiment très qualitatives et certaines versions Limited me faisaient de l’oeil. Mais bon, j’ai décidé de changer de crèmerie, un peu à contre cœur, afin d’avoir plus de choix pour la suite et ne pas être limité dans mon évolution.

Contrejour en plan italien (pris au 35mm avec l’objectif de kit)

/!\ Je tiens à préciser qu’il m’aurait tout à fait été possible de continuer avec mon Pentax, équipé de une ou deux optiques de la marque, et complétées par d’autres de Tamron ou Sigma. Mais j’ai un petit coté geek qui aime bien s’acheter de nouveaux jouets à l’occasion, ce qui a aussi pas mal participé dans mon choix de passage sur le plein format, en plus d’autres critères que j’expliquerais dans les autres parties /!\

 

2) Une philosophie de vie

 

Malgré mes débuts assez récents en photo, on peut dire que j’ai une vision assez ancienne de sa pratique. Pour moi, un appareil photo doit me servir à prendre des photos. Je n’ai que faire de pouvoir filmer avec, je me moque de pouvoir partager immédiatement mes photos sur Instagram – où je ne suis pas inscrit – grâce au wifi, je n’ai aucune utilité du GPS sur mon réflexe, ni l’usage de filtres, modes scène ou autres options pour paramétrer mon appareil photo jusqu’à me servir le café pendant une pose longue. Pour moi un appareil photo ne doit se concentrer que sur la photo et rien d’autre, il doit être facile à prendre en main (je passe le bonjour aux constructeurs qui mettent des menus plus complets que le mode d’emploi d’une BJÖRNHOLMEN de chez Ikea traduit dans 56 langues) et être efficace sur ce qui est vraiment important (réglage de la vitesse, de l’ouverture, des ISO, du mode d’exposition et c’est à peu près tout).

Photo prise un soir de brume avec un hybride : j’avais réglé l’ouverture sur f/1.8 et j’ai complètement délaissé le reste. Je me suis exclusivement concentré sur le cadre, le sujet

Je sais que beaucoup de gens aiment avoir ces petits trucs en plus, ou alors de pouvoir avoir à une foule de réglages en tout genre directement dans le boîtier, mais ce n’est pas mon cas, car lorsque je prends une photo, je m’occupe de régler l’ouverture (je shoot principalement en mode priorité ouverture), les ISO et c’est à peu près tout, le reste se passe au post traitement. Si la technique est importante, il faut savoir la dépasser et se concentrer sur le plus important : l’image finale. Je pense sincèrement qu’une photo un peu floue, où le focus est légèrement décalé de l’oeil du modèle ou autre est mieux réussie si l’émotion passe, que si la technique est calée au poil de cul mais que  le sujet n’est pas mis en valeur par un quelconque travail artistique. La photo est un art sensoriel et émotionnel et non une enfilade de caractéristiques techniques.

Ça me simplifie énormément la vie, et me permets surtout de me concentrer sur ce qui est important : le cadrage, la lumière, la prise de vue, bref l’émotion que je veux faire passer. Cela me permet de brasser très large sur les modèles disponibles, et notamment les plus anciens, et mon dévolu se porte donc sur un « vieux » Canon 5D classic (le mark I) d’occasion, qui rempli chacun de ces critères. Bon la plupart des Leica aussi mais je ne suis toujours pas décidé à vendre un rein. Rien à voir donc avec les derniers boîtiers ultra high tech qui sortent et qui sont bardés de technologies en tout genre, critère important pour moi 😉

De plus, un autre petit avantage que je trouve à shooter avec un Canon 5D classic, c’est que son capteur fait « seulement » 12,8Mpx ce qui permet d’avoir des fichiers RAW beaucoup plus légers que ceux qui sont issus de capteurs démesurés de 28, 35 ou 50 mégapixels. On a donc un gain de temps conséquent lors du développement / retouche photo (et mon petit mac mini Core 2 duo n’est jamais à la peine sous Lightroom ou Affinity photo) et le stockage est moins contraignant. En revanche pour qui aime faire de grands tirages en qualité optimale, les presque 13Mpx ne permettent pas vraiment de dépasser le 60×90, ce qui est déjà pas mal quand même ! Si il y a bien eu quelques pleins formats numériques antérieurs au 5D classic, j’ai décidé de les éliminer d’office de mes possibilités car je ne pense pas que l’on puisse aujourd’hui se contenter d’un capteur inférieur à 12Mpx

Ça c’était pour ma vision de la photo, mais il faut aussi s’intéresser à la vision que l’on a du monde et des biens matériels. En ce qui me concerne, je n’ai pas besoin d’avoir un appareil photo dernier cri, bardé de capteurs ou de mégapixel à ne plus savoir où les ranger, je ne suis pas particulièrement attaché au fait d’acheter neuf, et si je peux trouver un produit très haut de gamme sorti il y a des années pour une bouchée de pain, pour peu qu’il soit en bon état, je préfère le prendre d’occasion que dépenser autant pour un produit neuf mais forcément moins haut de gamme. Certains ne peuvent (ne veulent?) pas entendre parler de l’occasion, et je peux les comprendre, à chacun sa philosophie de vie. Une fois ces critères posés, reste le plus important, celui du budget que l’on est prêt à mettre.

 

3) Le prix de l’occasion et de la chance

 

Après avoir étudié mon style de photo, mes besoins, et en accord avec ma philosophie de vie, je me suis tourné vers l’occasion pour voir si je pouvais trouver mon bonheur. Je me suis fixé un budget confortable pour un étudiant, mais malgré tout assez restreint pour un photographe, d’environs 700€ pour le boîtier et au minimum une optique correcte. Pourquoi 700€? Parce que c’est le prix d’un boitier neuf situé plutôt en milieu-bas de gamme chez Canon ou Nikon et que je n’avais pas envie de manger des pâtes pour les 3 ans à venir.

En farfouillant sur Leboncoin, je suis tombé sur deux annonces intéressantes : 2 personnes vendaient leur Canon 5D classic au même prix de 400€. Je contacte donc le premier qui me confirme que l’appareil est toujours en vente, on va pour se fixer un rendez-vous et à la dernière seconde, le vendeur ne donne plus de nouvelle. Je contact donc le deuxième vendeur, très réactif, rendez-vous pris le lendemain pour l’acheter et là, surprise. Au moment de voir l’appareil sortir de sa boite, il était en parfait état. Pas une rayure, pas une égratignure, rien. Il semblait comme neuf. Mieux encore, après vérification, ce vénérable réflexe de 2006 n’avait déclenché que 4.000 fois ! Forcément je l’achète, il était vraiment comme neuf. Pourquoi je vous raconte cette petite anecdote? Pour vous faire comprendre que dans le marché de l’occasion on peut trouver des prix bas, mais qu’il faut avoir un peu de chance pour trouver la perle rare, et que cela ne vous arrivera peut être jamais. Mais aussi que si vous trouvez plusieurs produits identiques (ou suffisamment similaires et donc comparables) il est fortement recommandé de bien comparer les offres. Mais je vous reparle de tout ça dans la troisième partie 😉

400€ de dépensés sur le budget total de 700€, j’ai un appareil comme neuf mais sans objectif. Direction la première grande enseigne pour m’acheter le 50mm f/1.8 STM pour une centaine d’euros. Dans la foulée je pars voir un ami pour lui montrer et tester un peu la bête. Et là, le choc : habitué à faire des photos avec un très bon K30, j’ai été littéralement bluffé par la qualité du couple 5D et 50mm f/1.8 pour un portrait fait sur le vif.

 

Portrait sur le vif (fait avec le 50mm f/1.8 STM monté sur le 5D)

200€ encore dans la cagnotte, je me renseigne sur le meilleur objectif possible pour du portrait dans cette game de prix, en neuf ou occasion, et mon choix se porte finalement sur le 85mm f/1.8 USM (hésitation avec un 100mm f/2) trouvé là encore d’occasion pour 250€. Un piqué monstrueux, une qualité optique exceptionnelle, bref, un régal. Et là, les plus attentifs d’entre vous auront remarqué – outre les 50€ de dépassement du budget – que j’ai aussi parlé de série L au tout début de l’article parmi mes rêves, et qu’elle n’est pas encore apparue. Et bien suite à l’acquisition du 5D, mon Pentax a été relégué au placard, et je n’en n’avais plus l’utilité. Je l’ai donc revendu d’occasion pour 300€ avec l’objectif kit et le 70-300mm, ce qui m’a permis de me payer la fameuse série L.

Et oui, pour 300€ ! Plus précisément pour 320€, j’ai pu mettre la main sur un 24-105 f/4 L en parfait état, encore une fois grâce à un peu (beaucoup) de chance : le vendeur s’était trompé dans le prix qu’il m’avait annoncé, il comptait le vendre 400€ mais me l’a quand même laissé au prix indiqué ; dommage pour lui, tant mieux pour moi. Donc si on fait le compte, on voit que pour acquérir un 5D d’occasion, un 50mm f/1.8 neuf, un 85mm f/1.8 d’occasion et un 24-105mm f/4 d’occasion, tous en très bon état, il m’en a coûté 1.100€ environs. Et si jamais on se satisfait d’avoir uniquement le 24-105 f/4 L avec le boîtier il en coûte entre 720€ (si vous avez de la chance comme moi) et 800€ / 850€ soit le prix d’un boîtier APS-C neuf moyen de gamme (par exemple à 750€ en neuf aujourd’hui on peut avoir un Canon EOS 750D équipé du 18-55 ou encore un Canon EOS 800D sans objectif pour 850€). A ce prix là je préfère autant prendre un plein format et une série L d’occasion vous ne pensez pas? 😉 Surtout qu’on se paye un boîtier de qualité professionnelle avec la construction et l’ergonomie qui vont avec.

(À suivre)

 

Présentation de l’auteur : Je m’appelle Jonathan Peccini, j’ai 24 ans et je suis étudiant en droit (bac +4) et sciences politiques (bac +4 également). J’habite en région toulousaine et comme j’ai pu le dire dans l’article, je suis un amateur photographe, j’ai débuté il y a 3 ans environs, mais je me suis vraiment lancé dans la photo l’année dernière. J’aime particulièrement la photo de paysage urbain qui met en avant la diversité de la ville (contrairement à la photo d’architecture qui se concentre sur un aspect particulier et/ou esthétique d’un bâtiment, ou encore de la street photography qui replace l’humain et ses interactions dans le milieu urbain) ainsi que le portrait. Vous pouvez retrouver une partie de mon travail sur Flickr

Partagez !

Vos amis apprécieront !