Après avoir vu dans la première partie comment j’en suis arrivé à passer au plein format, et à moins que vous ayez pris exactement le même chemin que moi, que votre vision de la photo et du monde matérialiste soit parfaitement semblable à la mienne, vous vous demandez peut être quel seraient les avantages pour vous à passer au plein format. Car si les capteurs full frame font au moins autant rêver que les moyens formats à un moment donné, tout comme ces derniers ils ne sont pas exempts de défauts. Et oui, un appareil APS-C à 500€ pourrait s’avérer plus avantageux pour vous qu’un appareil plein format à 3.000€ dans certaines conditions. C’est donc parti pour un petit tour d’horizon des avantages et des défauts d’un appareil plein format, des situations dans lesquelles il vous sera indispensable ou au contraire vous déservira outrageusement.

Un capteur plein format, qu’est-ce que ça change?

Vous n’êtes peut être pas sans savoir que si il existe différentes tailles de capteurs dans le marché de la photographie, ce n’est pas tant que pour une raison de coût que pour d’autres implications. Si un petit capteur avait les mêmes caractéristiques et les mêmes conséquences qu’un grand capteur, tout en coutant moins cher à produire, le plein format n’aurait pas survécu jusqu’à nos jours, nonobstant la nostalgie autour des pellicules 24×36 du monde de l’argentique. Voyons alors ce que la taille du capteur implique comme conséquences, et surtout si l’usage d’un full frame est ou non fait pour vous.

 

1) Les défauts optiques et le crop factor

 

Pour commencer la taille du capteur va influencer sur l’objectif que vous allez utiliser. Et oui, le superbe 35mm que vous aviez acheté pour faire du photoreportage comme Doisneau ou Cartier-Bresson cadre trop serré? C’est parce qu’en réalité, 35mm est la focale que vous auriez obtenu sur un plein format ; sur votre réflexe APS-C cet objectif équivaut à une focale comprise entre 53mm et 56mm à cause d’un facteur de crop. Mais le facteur de crop, ou crop factor, qu’est-ce que c’est? C’est en réalité un rapport de taille entre la taille physique de votre capteur et la taille physique d’un capteur plein format. En effet, tous les capteurs ont des tailles standardisées (au moins au sein d’une même marque), et le capteur plein format a été créé afin de coller aux dimensions physiques d’une pellicule argentique 24×36. Mais des capteurs de cette taille là coutent cher à fabriquer, raison pour laquelle les marques ont décidé de créer des capteurs de taille plus modeste, afin que tout le monde puisse accéder à un boitier numérique à « moindre coût ». Nikon a décidé de faire un capteur 1,5x plus petit qu’un capteur plein format et Canon a décidé de les faire 1,6x plus petit. Et bien c’est ce rapport de 1,5x ou 1,6x qu’on appelle le crop factor. Quelle incidence cela a-t-il alors? Et bien le capteur étant physiquement moins grand, il va capter une partie moins étendue de l’image offerte par l’objectif, et opèrera donc un « zoom » (le schéma est plutôt explicite, le cercle représentant l’image offerte par l’objectif)

 

source : http://objectif-photographe.fr/wp-content/uploads/2015/01/objectif-photo-abreviations-7.jpg.001.jpg

 

À partir de là, on sait qu’un capteur APS-C de chez Nikon va « zoomer » 1,5x et un capteur APS-C de chez Canon va « zoomer » 1,6x raison pour laquelle la focale indiquée sur l’objectif ne correspond pas vraiment à ce que vous obtenez. Je dis bien pas vraiment car vous obtenez quand même une partie de ce qui fait votre objectif. Car oui, un objectif, ce n’est pas qu’une longueur focale ! Un objectif c’est une longueur focale et des « défauts » optiques. Si vous pensiez qu’il vous suffit de prendre un objectif d’une longueur focale 1,5x ou 1,6x plus courte pour avoir la même image, vous vous trompez. En effet, un objectif va avoir des caractéristiques en fonction de la longueur focale : un (ultra) grand angle va avoir tendance à « éloigner » les perspectives, alors qu’un zoom (au delà de 135mm environs) va avoir tendance à écraser ces perspectives. Concrètement, c’est la raison pour laquelle il est déconseillé de faire un portrait avec un grand angle, car les traits du visages sont déformés, le nez parait beaucoup plus imposant. Et si avec un plein format on peut encore faire un portrait assez serré avec un 35mm, pour obtenir les mêmes dimensions avec un APS-C il faudrait utiliser un 22mm. Alors oui vous aurez le visage qui prend autant de place à l’image, à la même distance du modèle, mais le modèle en question n’aura pas les mêmes traits. Ça serait dommage quand même. On voit donc qu’une même équivalence de distance focale ne donne pas les mêmes résultats à cause des défauts optiques des longueurs focales.

/!\ à partir de maintenant, sauf précision explicite, toutes les longueurs focales seront exprimées pour un capteur plein format. Si je parle d’une focale de 85mm pour un portrait, cela signifie que je parle alors d’un 85mm monté sur un plein format. De plus, étant chez Canon les équivalences dont je parlerai seront faites avec le facteur de crop de 1,6 /!\

Pour du paysage, traditionnellement on utilise un (ultra) grand angle compris entre 16mm et 24mm (à peu près, ce n’est pas une recette exacte et une photo de paysage à 25mm n’en sera pas moins bonne qu’une à 24mm). Pour du portrait en revanche on aime bien utiliser une focale de 85mm voire plus. Pourquoi? Et bien parce que le 16mm permet d’englober beaucoup d’éléments dans le cadre mais a pour énorme défaut en contrepartie d’avoir de la distorsion sur les bords et a une TRÈS fâcheuse tendance à déformer un visage si vous faite un portrait un tant soit peu serré, comme je vous l’ai déjà dit juste au dessus (vous savez maintenant pourquoi vos selfies faits au smartphone avec un équivalent 22/28mm vous sort une photo qui ne vous ressemble pas vraiment). En revanche un 85mm ne présente aucune distorsion et va permettre de photographier un visage sans le déformer, mais ne vous permettra pas de capturer tous ces monts enneigés qui s’étendent à perte de vue en une seule photo. Chaque focale a donc un usage qui lui est plus ou moins propre, avec ses avantages et ses défauts.

 

Paysage urbain fait au 24mm. Pour avoir un même angle de champ sur APS-C il aurait fallu utiliser un 15mm, ce qui aurait déformé encore plus les bords de l’image qui le sont déjà au 24mm

 

Du coup, si vous voulez faire du paysage avec un APS-C, il vous faudra trouver un 10mm pour avoir un équivalent 16mm, et il faudra prendre un 50mm pour avoir un équivalent 80mm pour faire du portrait. A utiliser un capteur APS-C on doit utiliser des focales plus courtes pour pouvoir avoir le même angle de champ, ce qui fait qu’on se retrouve avec les défauts optiques inhérents à la focale plus courte. En revanche, si vous montez un 70-300mm sur votre APS-C, vous aurez compris que vous obtiendrez donc un 112-480mm : à la plus grande focale vous « gagnez » 180mm ! Parfait si vous devez shooter de loin, comme en photo animalière ou de sport !

 

2) Photosites et Bokeh

 

Sans rentrer dans les détails techniques de fabrication des capteurs (car je ne m’y connais pas du tout), sachez que votre capteur est composé de photosites, qui captent une intensité lumineuse, et que devant ces photosites on retrouve un capteur qui va capter une couleur (soit le bleu, soit le vert, soit le rouge) et que 4 capteurs forment un pixel. Votre appareil photo de 20Mpx se compose donc de 20.000.000 de groupes de 4 capteurs et donc d’autant de photosites. Quel intérêt de savoir ça? Et bien comme je vous l’ai dit, le photosite ne capte qu’une intensité lumineuse, il ne sait pas si il capte du bleu, du rouge, du vert etc. Il capte de la lumière, c’est tout. Et plus il est gros, plus il capte de lumière. Plus il capte de lumière, plus la photo sera « propre » (en théorie). C’est pour ça que vous entendez parfois dire que ce n’est pas le nombre de mégapixel qui compte. Et si on compare votre capteur APS-C de 20Mpx à un plein format de 20Mpx, on se rend compte que le capteur du plein format étant physiquement plus grand, les photosites qui le composent ont plus de place pour eux, et peuvent donc être plus grands. Il faut quand même noter que la qualité de traitement effectué par le processeur va grandement influencer sur la qualité finale, et qu’un capteur plein format de 12,8Mpix comme un 5D classic épaulé par un processeur qui commence à dater n’aura pas forcément de meilleurs résultats que les 35Mpix d’un Nikon D800 équipé d’un processeur plus récent.

Pour ce qui est du bokeh, ça découle directement du point précédent et de la différence de taille des photosites. Plus les photosites sont gros, plus ils captent de lumière. En conséquence de quoi, plus la profondeur de champs est réduite. Concrètement, si vous faite un portrait avec l’indispensable 50mm f/1.8 sur APS-C, vous obtiendrez un flou d’arrière plan et une profondeur de champ (à f/1.8) équivalente à ce que vous auriez obtenu en fermant un peu plus (f/2.2 ou f/2.8) avec ce même 50mm sur plein format. Dit autrement, à ouverture égale, vous aurez une profondeur de champs plus réduite et donc un flou d’arrière plan (le fameux Bokeh) plus important sur plein format que sur APS-C en raison des lois physiques et de la taille du capteur. Parfait pour le portrait donc. Sachez cependant que la longueur focale influe énormément sur le flou d’arrière plan et que même à f/4 vous aurez un Bokeh beaucoup plus important avec un 400mm sur APS-C que si vous utilisiez un 50mm f/1.4 sur plein format (mais vous aurez alors les défauts du 400mm, dont la distance nécessaire pour avoir un cadrage similaire).

 

Portrait semi nu réalisé avec le 5D et le 50mm f/1.8 – Ouverture utilisée : f/3.5

 

La réciproque de ce principe est donc, en toute logique, que sur APS-C et capteurs de plus petite taille comme le micro 4/3 la profondeur de champ sera plus grande que sur plein format. Vous aurez donc des zones de netteté plus étendues, ce qui peut être un avantage quand on travaille sur des sujets où l’on souhaite avoir un maximum de netteté comme en paysage ou dans les photos pack shot (photo de produits comme les montres, parfum etc.) Cependant pour ce qui est des photos pack shot vous aurez surtout recours à une technique appelée focus stacking afin de faire un empilement de la même photo avec des zones de netteté différentes pour les combiner et avoir le sujet parfaitement net. La plus grande profondeur de champ peut également être un avantage si vous faites de la photo macro, où en raison de la proximité immédiate de l’objectif et du sujet les zones de netteté peuvent se mesurer en millimètres voire moins.

 

 

3) Pro et Con : les avantages et les défauts du plein format

 

Maintenant que vous avez pu voir les caractéristiques fondamentalement différentes entre un full frame et un APS-C (crop factor, taille des photosites et bokeh), je vais vous dresser une liste (non exhaustive) de situations dans lesquelles je pense qu’un plein format n’est pas fait pour vous, puis une autre ou je pense qu’il peut être vraiment intéressant de se pencher sur la question. Encore une fois, et je me répète, je ne suis pas un professionnel, ni même un amateur de longue date avec une expérience monumentale. Je suis un simple amateur éclairé, et ma parole ne vaut pas évangile (même si j’aimerais bien, je vous l’accorde). Pour commencer, voici donc les situations dans lesquelles je ne conseille pas le passage à un appareil photo plein format (ou tout du moins qui ne justifient pas à elles seules le passage au full frame) :

 

  • Si vous faites de la photo de sport ou de la photo animalière : dans un cas comme dans l’autre, le crop factor vous sera très utile afin de bénéficier de très longues focales à moindre coût (un 70-300mm devient un équivalent 112-480mm), et pour le sport où l’autofocus et la rafale sont importants, ces « anciens » pleins formats seront vraiment à la peine comparé à un bon reflex APS-C d’aujourd’hui
  • Si vous faites de la street photography où la discrétion est de rigueur, il vaut mieux partir sur un petit boîtier type micro 4/3 équipé d’un pancake ou petit objectif bien moins imposant qu’un plein format avec un objectif de 30cm, même si les longueurs focales conseillées sont le 28mm ou 35mm, ce qui vous obligera à acheter des focales plus courtes
  • Si vous souhaitez faire de la vidéo en plus de la photo : le Canon 5D ne peut pas filmer, et si vous trouvez un autre plein format de cette époque capable de filmer, la qualité ne sera pas au RDV. Le 5D II a été une révolution en terme de vidéo sur DSLR notamment grâce à son usage dans le tournage de certains films, mais il ne film qu’en 1080p et ne dévoile son plein potentiel que sous Magic Lantern ce qui oblige à un peu de bidouille)
  • Si vous souhaitez faire des impressions en très grande taille, les 12,8Mpx ne permettent pas d’imprimer en très grand (mais il existe des techniques comme le panorama qui vous permettent d’avoir des photos contenant beaucoup plus de mégapixels et donc d’augmenter la taille possible d’impression). Cependant on peut malgré tout imprimer en 60×90 au plus, ce qui reste déjà plutôt pas mal
  • Si vous êtes maladroits / malchanceux et que les garanties ou extensions de garanties sont monnaie courante pour vous : ces appareils ne sont plus sous garanties et devront souvent être amené chez un réparateur tiers en cas de pépin. Le matériel « ancien » et d’occasion a beaucoup plus de chance de tomber en rade, surtout si son prédécesseur l’a usé jusqu’à la moelle. A prendre en compte avant l’achat donc
  • Si vous n’aimez pas acheter d’occasion (mais je vous avais prévenu dès le départ que cet article n’était pas fait pour vous)
  • Si vous vous êtes entièrement équipés il y a peu : à moins de réussir à revendre vos achats récents à un excellent prix, autant profiter à fond d’un appareil neuf qui aura aussi ses avantages
  • Si vous aimez vous balader léger : un plein format et les optiques adaptées sont épais, lourds et encombrants. J’ai déjà passé 3h à parcourir la ville, un 5D et son 24-105mm sanglés à la main, à bout de bras. A mon retour j’ai bien senti le poids de l’ensemble
  • Si vous faites juste des photos à l’occasion, comme des photos de voyage, photo de famille etc. Un appareil photo peu cher et moins encombrant fera l’affaire (et pourquoi pas investir dans un nouveau smartphone?)

Et voici la liste (non exhaustive) de situations qui pourraient vous faire acheter un plein format d’occasion :

 

  • Si vous faites de la photo de studio / portrait / mode : la différence de Bokeh qu’apporte un plein format, la possibilité d’utiliser une focale sans subir le crop factor et les défauts optiques inhérents aux focales courtes (déformation des visages etc.) sont un vrai plus. De plus, mon 5D a un rendu très spécifique qui est propre à ce modèle, que j’apprécie beaucoup et qui se rapproche de l’argentique à mon sens. Moins numérique, plus organique. Et la différence entre le Pentax k-30 et le 5D m’a vraiment marqué
  • Si vous faites du paysage : même argument qu’au dessus, vous n’êtes plus limité par le crop factor et trouver de bons (ultra) grands angles devient plus facile (même si il y a de plus en plus de focales de qualité qui sortent entre 10mm et 16mm spécifiquement pour les APS-C dernièrement).
  • Si vous faite du photoreportage/photo sociale où la discrétion n’est pas de mise, afin de bénéficier des mêmes avantages que pour la photo de studio / portrait / mode. Parfait pour le mariage, la photo d’architecture, si vous aimez photographier des modèles en dehors d’un studio, si vous voulez vous lancer dans une carrière professionnelle et que des gens vous contactent pour leur tirer le portrait
  • Si vous devez renouveler votre matériel et que vous aimeriez passer au plein format pour vous faire plaisir, parce que la photo c’est aussi le plaisir d’acheter, d’utiliser du bon matériel, et pas uniquement la photo finale
  •  Si vous avez envie d’avoir du matériel de qualité professionnelle, une construction solide et une ergonomie au top
  • Si comme moi vous avez envie de dire stop à cette société de consommation où la Sainte obsolescence programmée est quasi omniprésente

 

Voila, j’espère que dans cette partie j’ai réussi à vous donner une vision d’ensemble qui va permettre d’éclairer votre lanterne, ou tout simplement aiguiser votre curiosité ; que votre vision du full frame a évolué dans le bon sens, et que j’ai réussi à vous donner envie d’acheter à juste titre un nouveau boitier, ou au contraire vous ai fait prendre conscience de la non nécessité d’investir dans ce type de matériel. Dans la troisième – et dernière – partie qui suivra, je vous parlerai du monde de l’occasion, qui ne sera pas spécifique à l’achat d’un plein format mais pourra également être utile si vous pensez à acheter un autre type d’appareil d’occasion, des avantages, inconvénients à ce mode de consommation, aux dangers et pièges à éviter.

(À suivre)

Partagez !

Vos amis apprécieront !